Lettre ouverte de Guy Bonnet à Mr Pascal Viné, Directeur Général de l’ONF.


Je vous expliquais la semaine dernière que nous reparlerions très bientôt de Guy Bonnet et du journal “Connaissance de la Chasse”.
C’est chose faite, vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte, publiée dans ce journal du mois de Mars 2015, adressée au Directeur Général de l’ONF Mr Pascal Viné ci-contre.
Lisez cette analyse et demandez-vous si l’ONF répond à la mission qui lui incombe. 

Guy BONNET
119 rue du colonel
Fabien
60940 ANGICOURT

 

                                                                     
A Monsieur le Directeur général de l’ONF.
                                                                         
2 Avenue de Saint-Mandé
                                                                         
75570  PARIS cedex12

                                                                                         

                                                                                  .
Objet : Lettre
ouverte sur la situation du cerf dans les forêts domaniales.

 

           Monsieur le Directeur, 

             Bien qu’administrateur de l’ANCGG
et de l’Association des Veneurs, je tiens à préciser que l’opinion exprimée
dans cette lettre n’engage qu’un citoyen libre, passionné de forêt et vivant
dans la « cervitude » volontaire… 
             Je souhaite vous faire part de ma totale
opposition au sort actuellement réservé au 
Cerf dans les forêts domaniales. Dans de nombreux massifs de plaine,
habitats historiques de l’espèce, les populations sont en chute libre
consécutivement à des attributions exorbitantes, qu’on ne sait pas freiner à
temps. Les forêts d’Halatte, Compiègne, Eawy, Châteauroux, Rambouillet, Sillé-le-Guillaume,
Perseigne, Chatillon-sur-Seine, Mormal sont, entre autres, concernées, qu’au
rythme actuel des plans de chasse, rejoindront bientôt une pléiade de nouvelles !
Evolution que ne manquera pas d’accentuer l’application de la Loi d’avenir pour
l’agriculture, qui impose la compatibilité des schémas cynégétiques
départementaux ( auxquels l’ONF n’est pas soumis !) avec les orientations
forestières régionales.
           Dans quel but ? Celui de diminuer les
dégâts aux semis et aux plants ? Ils sont très exagérés alors qu’ils
restent circonscrits. Celui d’éviter une érosion de la biodiversité qui serait
due aux cerfs et biches ? Les pratiques sylvicoles qui consistent à ne
planter qu’une seule essence (le chêne sessile par exemple) et à diminuer l’âge
d’exploitabilité des peuplements vont-elles dans le sens d’une plus grande
diversité floristique et faunistique, notamment aviaire ?
Alors, plutôt celui,
inavoué, de pouvoir planter et artificialiser la forêt en minimisant (bien en
deçà de la capacité d’accueil) le risque et le coût de la présence des
cervidés.
          La définition de l’insaisissable
équilibre forêt-faune apparaît pour le moins empreinte de subjectivité, quand
elle n’est pas fabriquée selon la conclusion à laquelle on veut aboutir…
L’équilibre n’est qu’un
moment et non un état, qui dépend de nombreuses interactions et des objectifs
choisis. On ne peut imposer le même partout ni le « calculer » en
fonction
des seules parcelles
en régénération.
Parle-t-on d’un
déséquilibre au détriment des animaux quand ceux-ci ont été décimés, comme en
Ourscamps ?
        Ces baisses drastiques s’accompagnent
paradoxalement d’une politique d’engrillagement systématique, un temps
abandonnée. Moins il y a d’animaux, plus il y a d’enclos qui enlaidissent le
milieu, entravent les déplacements de la faune, contrarient les chasses.
Grillages coûteux dont on peut douter de l’efficacité en constatant l’échec de
nombreuses régénérations à Chantilly ou l’invasion des plantations par le
Prunus serotina (le vrai fléau de la forêt) en Compiègne.
         N’oublions pas que le Cerf est une
espèce emblématique qui a contribué indirectement à sauver du défrichement
nombre de forêts prestigieuses, aujourd’hui très productives. Or, il n’est plus
considéré que comme une charge et rendu responsable de tous les maux. Jamais le
moindre aménagement en sa faveur. Dans des forêts surchassées, surexploitées,
surdérangées, les hardes déplacent le cœur de leurs activités dans les bois
privés et vers les secteurs agricoles… qui sont décrétés zones d’exclusion. On proclame
que le Cerf n’a plus sa place à l’intérieur des forêts et on n’en veut pas à
l’extérieur. Cet animal est devenu le révélateur du seuil de tolérance de notre
société vis-à-vis de la nature et du sauvage !
        S’il existe encore des endroits où il y
a de fortes concentrations (inhérentes à l’espèce), ce n’est plus dans les
forêts domaniales. Il est légitimement attribué des bracelets aux territoires
périphériques concernés mais, l’ONF, de son côté, continue de réclamer un quota
important, en fonction de la surface publique. On aboutit ainsi à
l’effondrement d’une population, comme en Halatte : erreur que
reconnaissent conjointement l’Office et la Fédération des chasseurs de l’Oise.
         Les forêts domaniales françaises, monuments
de nature et d’histoire, sont, encore, un bien commun : elles doivent
demeurer des sanctuaires pour le plus grand mammifère de France. Comment
peut-on les traiter comme des monocultures de résineux du Morvan ou des
Landes ? Leur gestion n’est-elle plus que comptable ? 

         Ce n’est pas la raréfaction du Cerf
qui améliorera la productivité et la rentabilité de la forêt française. Le
déficit de notre filière bois – que l’Etat presse les sylviculteurs de combler
– provient avant tout des aberrations économiques de ladite filière.

        Soyez conscients, Monsieur le
Directeur, de la réprobation de nombreux usagers des forêts domaniales, que
n’abuse plus une communication édulcorante (multifonctionnalité, durabilité,
îlots de sénescence…)
        L’ONF compte-t-il, malgré tout,
poursuivre la guerre idéologique qu’il a déclarée au Cerf ou, sera-t-il davantage à
l’écoute des autres parties concernées, est-il prêt à adopter des solutions
plus intelligentes et nuancées, en rapport avec les réalités du terrain ?
 
 
         En vous assurant de mon attachement à
une forêt vivante, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression
de mes salutations les plus distinguées.
 
                                                                                           Guy Bonnet                                        
                                             

 

 

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